• Un dessin fait à partir d'un modèle (personnage de Final Fantasy, nommé Vincent, pour les adeptes).
    Ici j'ai essayé de faire en sorte qu'il ressemble en tout points à l'original, bien que je me sois permi de rajouter cette cicatrice sur sa joue.
    Je suis particulièrement satisfaite du travail d'ombrage, bien que le nez soit un peu long (mais vous pouvez me croire, j'ai vérifié plusieurs fois sur plusieurs photos de ce cher Vincent, il a toujours le nez aussi long).
    Je me rappelle plus en combien de temps je l'ai réalisé.
     

    Grabouillages artistiques: portraits


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  • Donc voila. Le Dieu de la littérature jeunesse vous parle -OUI! vous. Vous rendez-vous compte, de la chance que vous avez ?... Je pense que non.

    Alors obéissez, et lisez. C'est tout.

    ***

     

    Les conseils de Pierre Bottero (auteur d'Ewilan, Le Pacte des Marchombres, L'Autre...), trouvés sur le site des Mondes Imaginaires de Rageot

     

    À toutes celles et tous ceux qui écrivent ou qui ont envie d’écrire…

     

     

    Un fait étonnant se dégage de mes rencontres, des lettres que je reçois, des messages que postent sur le site les lecteurs et les lectrices d’Ewilan : vous êtes nombreux à écrire. Très nombreux !

    Après réflexion, ce n’est pas si étonnant que ça. Lire et écrire sont deux activités, deux passions, intimement liées et quoi de plus logique après s’être évadé dans les récits de quelqu’un d’autre, que de vouloir inventer sa propre route ?

    Beaucoup d’entre vous me demandent des conseils : Comment commencer ? Comment finir ? Où trouver l’imagination ? Quels pièges éviter ?

    Ou parfois sollicitent mon avis : Est-ce que ce que j’ai écrit est bien ? Comment m’améliorer ?

    Dans un premier temps, je me suis trouvé un peu dépourvu face à ces questions. J’étais (et je reste) persuadé qu’écrire un ou plusieurslivres ne fait pas obligatoirement de l’auteur quelqu’un capable de prodiguer des conseils pertinents. Puis je me suis lancé, tentant de donner des « trucs » à ceux et celles qui en avaient besoin. Des conseils sans prétention, des avis qui n’engagent que moi, des recommandations simples et amicales…

    Aujourd’hui, alors qu’entre deux projets de romans j’ai un peu de temps libre, je tente de coucher ces « trucs » sur le papier, en espérant qu’ils vous seront utiles. Les voici.

    Non, attendez. Une dernière chose. Importante. Ce qui suit n’est pas un cours de littérature ou d’expression écrite, oubliez l’école, le collège, le lycée… imaginez plutôt que nous sommes assis dans des fauteuils (ou au sommet d’un arbre) en train de discuter tranquillement.

    Vous y êtes ?

     

    L’envie.

    Commençons par le commencement. Écrire doit être une envie. Terrible. Irrépressible. Tyrannique. Incoercible. Quelles que soient les raisons (certainement nombreuses) qui te poussent à écrire, elles doivent se raccorder à une envie. Envie d’inventer, envie de dire, envie d’être lu(e), envie d’éclaircir, envie de rêver, envie de jouer avec les mots, envie de s’évader, envie de contester, envie d’expliquer, envie de rapporter, envie…

    À chaque instant de l’écriture l’envie doit être là. Même lorsque les phrases se coincent et deviennent ridicules sur ta feuille, même lorsqu’il faut corriger pour la soixante-quatorzième fois, même quand l’Idée qu’on savait si géniale s’est évaporée, même quand cette jalouse de Zoé ou ce rustre de Benoît disent que ce que tu as écrit est nul.

    Et pour que cette envie soit vraie, il faut que tu sois toi. Je répète souvent qu’on écrit avec trois choses : avec ses mains évidemment, posées sur le clavier ou tenant le stylo, avec sa tête qui organise un peu tout ça, et, surtout, avec son ventre. Dans le mot « ventre » je place en vrac le cœur, les sentiments, les sensations, les poumons, les certitudes, les doutes, la rate, les intuitions (vachement important, les intuitions) les peurs, les joies… Tout ce bric-à-brac indispensable n’appartient qu’à toi. Essaie d’utiliser celui d’un autre et tu vas à la catastrophe.

    Envie et ventre.

    C’est clair ? On continue.

     

    Par où commencer ?

    Tout simplement par écrire. Pas de projet de titan, pas d’ambition démesurée, de plan fignolé, de synopsis de folie. Une feuille et l’envie d’y glisser quelques phrases comme elles viennent. Sans préparation. Ce peut être une scène, cette fameuse scène qui te hante et que tu meurs d’envie de raconter depuis des années, ou une autre scène complètement nouvelle que tu découvres en écrivant. Ce peut être unportrait, une description ou simplement quelques paragraphes sans queue ni tête. Peu importe. La seule chose qui compte c’est prendre conscience que la magie existe. Il y avait quelque chose dans ma tête et maintenant c’est sur le papier.

    Attention, le premier piège est là !

    Est-ce vraiment la même chose sur le papier que dans ta tête ? Relis et sois impitoyable envers toi-même. Est-ce vraiment ce que tu avais envie d’écrire ? Non, ne triche pas ! Réponds ! Tu es le seul (la seule) à connaître la vérité et si tu te mens, tu es fichu(e). (c’est pas tout à fait vrai, il y a toujours de l’espoir, j’écris ça pour le côté dramatique de l’histoire)

    Si tu n’es pas convaincu(e), aucune hésitation : recommence. Une autre feuille ou la même, les mêmes idées ou des différentes, peu importe. Recommence. Et n’oublie pas : il n’y a pas d’autre objectif à atteindre que le plaisir d’écrire ce que tu as envie d’écrire !

    Ça y est ? La magie de l’écriture t’est devenue perceptible ? Bravo. Tu as compris l’essentiel : écrire avec tes mains des phrases organisées par ta tête qui jaillissent de ton ventre.

    Les mains écrivent moins vite que ce qu’on aimerait ? On s’en fiche, on n’est pas pressé !

    La tête fait des fautes d’orthographe et n’est pas très douée en conjugaison ? Pas de problème, elle finira par apprendre son métier !

    Le ventre reste fermé ? C’est son droit, mais alors qu’il ne vienne pas se plaindre si la feuille reste blanche. Il faut qu’il fasse un effort. Un conseil toutefois : ne le brusque pas trop, ce brave ventre. Cool. Respire. Ouvre la porte, d’abord à moitié puis en grand. Laisse sortir tes sentiments. Waouh, ça fait du bien, non ?

    Bon, le plus dur est fait, on peut passer au reste.

     

    Les pièges à éviter.

    Il y en quelques uns que je connais bien, d’autres, plus nombreux, que je pressens sans trop savoir où ils se trouvent et d’autres enfin, certainement légion, dans lesquels je tombe tête première chaque fois que j’écris. Ben oui, personne ne les connaît tous et celui qui prétendrait en dresser une liste exhaustive en aurait pour une vie entière. Au moins ! D’autant plus que ce qui est un piège pour un auteur peut être une force pour un autre. Qui peut distinguer à coup sûr ce qui est un vilain tic d’écriture de ce qui est la marque d’un style recherché ?

    Bon, reste tout de même qu’il y a des choses qu’il vaut mieux éviter.

     

    Règle 1 : Ce qui est limpide dans ton esprit ne l’est pas forcément dans celui de ton lecteur. Prends le temps de poser tes personnages, les lieux dans lesquels ils évoluent, leurs relations. Quand tu écris, tu invites celui ou celle qui te lira à une balade. À toi de faire en sorte qu’elle soit intéressante.

    Attention aussi de pas tomber dans l’excès inverse. Donne envie à ton lecteur d’en savoir plus mais veille à ne pas l’écraser sous une masse d’informations inutiles ou, du moins, prématurées.

     

    Règle 2 : Ne cherche jamais à te justifier. Si tu as écrit une scène à laquelle personne ne comprend rien, ce ne sont pas tes lecteurs qui sont stupides mais ta scène qui est mal décrite. Ne l’explique pas, tu es auteur pas conteur, écoute les critiques et remets-toi au boulot.

     

    Règle 3 : Trop d’action tue l’action. Quand je lis un premier chapitre d’un peut-être futur roman, il contient souvent assez d’action pour en nourrir douze ou plus (j’exagère à peine) Une action, quelle qu’elle soit, est prenante si elle est amenée par touches successives. Un livre, c’est un peu une maison. Tu as le droit de la construire comme tu veux mais si tu n’y mets que des fenêtres, elle sera moche et s’écroulera très vite !

     

    Règle 4 : N’est pas Proust qui veut. Des phrases courtes sont plus faciles à manier que de longues tirades qui finissent par ressembler à des sables mouvants.

     

    Règle 5 : La langue française est riche de dizaines de milliers de mots. Tu n’es pas obligé(e) de tous les utiliser mais te contenter d’une dizaine d’entre eux pour remplir trois cent pages est un peu… mesquin. Ton traitement de texte te propose certainement un dictionnaire des synonymes (clic droit et « synonymes » sous Word) À utiliser sans modération… mais avec intelligence.

     

    Règle 6 : Avant de s’étirer en belles et fluides phrases sur ta feuille, ton histoire a besoin de germer, de se nourrir de tes songes, de pousser dans l’intimité de tes pensées. Ne te jette pas sur ton ordinateur, laisse à ton histoire un temps de gestation. Et même lorsque tu écriras, ménage-toi des pauses. Écrire c’est aussi penser et rêver. C’est surtout penser et rêver.

     

    Règle 7 : Alterne astucieusement les phases de description, celles d’action et les dialogues. Ton texte n’en sera que meilleur, ton histoireque plus riche.

     

    Règle 8 : Relis, relis, relis et corrige ! Le traitement de texte (hautement conseillé) te permet de reprendre, transformer, améliorer ce que tu viens d’écrire. Profites-en, et admets une fois pour toutes que parmi tous les livres que tu as lus, aucun n’est le fruit d’un premier jet. À titre d’info, un tome d’Ewilan me demande en moyenne, trois à quatre mois d’écriture (à raison de huit heures de boulot sur mon ordi en moyenne par jour) et trois à quatre mois de travail de correction. Sans oublier les heures et les heures de gestation dont je parle dans la règle 6. J’explique parfois que j’écris vingt-quatre heures sur vingt-quatre. En dormant, en mangeant, en parlant, en conduisant… Du coup, lorsque je suis devant mon ordinateur, je n’invente rien, je laisse juste sortir l’histoire qui a poussé dans ma tête.

     

    Règle 9 : Pas trop de personnages et, surtout, pas tous ensemble, jetés en vrac dans les trois premières pages. Une fois encore, laisse le temps à ton lecteur de s’adapter à ton histoire et à ceux qui y vivent.

     

    Règle 10 : Valable pour les personnages mais aussi pour les villes, les créatures, les pays et autres guildes. Trouver un nom est un travailqui nécessite de l’imagination et de la mesure ! Sa sonorité, sa longueur, sa forme sont essentielles pour que le lecteur se représente ce que tu as dans la tête. Attention aux dérives de la surenchère : ce n’est pas parce que ton monstre sera un Duxhyraqjug, qu’il sera effrayant ( ce serait plutôt le contraire), mais parce que tu l’auras décrit avec habileté et que tu auras soigné l’ambiance du moment où il apparaît. Personnellement je m’amuse avec les sons, collant et décollant (virtuellement) les syllabes jusqu’à ce que la « musique » du mot inventé me convienne. Les mots Ts’lich, Ewilan, Gwendalavir, et bien d’autres encore, sont nés ainsi. J’ai toutefois veillé à ne pas exagérer avec les sonorités étranges, et c’est pour cela qu’il existe des marcheurs, des siffleurs et de « simples » ours élastiques.

     

    Voilà dix règles. On pourrait en trouver dix autres, sans doute même cent autres, voire mille, sans pour cela cerner avec précision ce qu’est l’écriture. Alors, plutôt que de continuer à m’étaler, je vais résumer en deux mots :

    Envie et travail.

    …Et revenir une seconde sur le mot de travail. Tu peux écrire une page et fournir un travail remarquable, comme en écrire cinq cents et n’avoir rien compris au sens du mot. La qualité d’un travail ne se mesure pas à la longueur d’une histoire mais aux exigences de son auteur. Envers lui-même !

     

    Et après ?

    Quoi après ?

    Ben… Pour que mon roman soit publié.

    C’est à la fois très simple et très compliqué (si, si, les deux à la fois, c’est possible !)

    Simple parce qu’il suffit d’envoyer ton texte à un éditeur (choisi parce qu’il publie des romans dans le genre du tien) avec une courte lettre de présentation (de l’auteur et non de l’histoire) Ton texte sera lu, évalué et tu recevras une réponse (ça prend parfois du temps)

    Compliqué parce que les éditeurs reçoivent des dizaines de textes par jour et que les « élus » sont très très rares. D’où l'importance de n’envoyer un texte que lorsque tu le considères comme parfaitement achevé et que, en toute bonne foi, tu te sais incapable de l’améliorer.

    Rappelle-toi : Si ton texte t’enthousiasme, il n’enthousiasmera peut-être que toi, mais s’il ne t’enthousiasme pas, il a peu de chance d’enthousiasmer quelqu’un !

     

    Et maintenant ?

    Il me reste deux ou trois choses à dire. Ou à redire.

    D’abord que ce qui précède n’engage que moi et que, s’il existe mille façons de parler de l’écriture, la mienne n’a pour but que te donner un (très) modeste coup de main.

    Ensuite le besoin de préciser qu’écrire est certes un plaisir mais que ce n’est pas le seul plaisir au monde. Loin de là. On peut très bien vivre heureux sans inventer la moindre histoire.

    Et pour finir, l’envie de te souhaiter bon courage et belle route.

    Dans tes histoires et dans ta vie.


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  • Voici une nouvelle de 9 pages (en fin un truc sérieux \o/ )(à l'origine, c'était un début de roman, et puis j'en ai commencé un autre sur le même sujet, qui me plaisait plus. donc je l'ai raccourci pour en faire une nouvelle...)  j'ai particulièrement fait attention à "bien" écrire, et à ne pas juste balancer des phrases pour décrire une idée. Bonne lecture!

     

     

     

    La fille qui regardait le monde tourner

     

     

    « - Alors, qu’est-ce-que ça te fait d’avoir dix-sept ans ? »

    Ce que ça me fait ? Rien. Comme un vide, béant dans ma poitrine. C’est comme si je m’effaçait. Lentement.

    Mon regard survole la salle bondée d’adolescents qui bougent au rythme de la musique. Tout cela me donne le vertige, et je décide d’aller m’asseoir un moment.

    Près du buffet, la fumée des cigarettes me prend la gorge.

    Qu’est-ce-que c’est, au fond, avoir dix-sept ans ? Ce n’est qu’une année de plus que la précédente. Trois-cent-cinquante-six misérables jours passés depuis ce jour fatidique de l’année dernière où j’avais eu seize ans. Huit-mille-cinq-cent-quarante-quatre heures passées. Qu’est-ce-que tout cela veut dire, au juste ? Qu’est-ce-que cela signifie ? Y-a-t-il un symbole, caché derrière ces significations absurdes ?

    La trop familière chape de tristesse brumeuse m’enveloppe de son cocon froid, et je frissonne malgré-moi. A quoi ça rime, tout ça ?

    Je vois mon amie Chloé s’approcher de moi de son déhanché nonchalant, je vois les garçons se retourner sur son passage. Je la vois les ignorer, tous.

    « - Tu ne danses pas ? »

    Je voudrais lui répondre d’aller se faire voir, avec ses manières de miss monde, mais la tristesse est là, et je n’ai même pas la force de lui répondre. Elle peut bien voir par elle-même. Depuis le début de la soirée, pourtant prévue en mon honneur, je n’ai pas fait mine de me mouvoir comme les autres, trop abattue pour faire quoique ce soit. Il faut dire que l’anniversaire de mes dix-sept ans n’est pas aussi joyeux et débonnaire qu’on aurait pu le croire.

    « - Allez, viens, reprend Chloé en me tirant par le bras vers la piste, où se déchainent les autres sur un air trop entrainant à mon gout. Il y a des tas de beaux mecs à draguer.

    Je voudrais lui faire savoir que, avec elle dans les parages, je devenais aussitôt invisible aux yeux de la gente masculine, mais je me contente de secouer la tête en baissant les yeux.

    Chloé cesse de m’agripper et relâche son étreinte. Elle a l’air si différente, dans sa petite robe noire, qui est à peine assez longue pour couvrir ses fesses. Je remarque que ses yeux sont différents, plus sombres que d’ordinaire, les pupilles immenses. Ce n’est pas la même Chloé.

    - Qu’est-ce-que tu as pris ? Je demande aussitôt.

    - Mais rien, lâche Chloé d’un ton pâteux, avec de reprendre: allez, quoi, je suis sure qu’il y en a qui vont te plaire!

    Je secoue la tête.

    - Ah, ricane-t-elle finalement. Encore à cause de ton mourant romantique. Quand est-ce qu’il va enfin se décider à crever, pour nous foutre la paix ?

    - Chloé!

    - C’est bon. J’ai compris. »

    Elle me jauge de son regard le plus méprisant et tourne les talons. Le mur contre lequel je suis appuyée me parait plus dur et réconfortant que jamais, je me laisse glisser en position accroupie, et fourre mon visage dans mes bras. Là, je me sens en sécurité, dans le noir chaud de mon corps. Comme englobée. Je tente de m’enserrer le plus fort possible, pour ne laisser plus aucune surface visible de ma faiblesse. En sécurité.

    Le vacarme de la sono me scie les tympans, et je pèse le pour et le contre, plaquer mes mains sur mes oreilles pour me protéger de cette agression ou bien rester la tête au noir. A l’abri.

    Comme je suis tout bonnement incapable de sortir de ma cachette, j’attends que mes oreilles s’habituent au volume du son. Peu à peu, je me laisse bercer.

    Est-ce un signe ? Règle numéro une: mettre le volume à fond et oublier. Tout oublier.

    Un visage s’impose à moi avec le naturel de l’habitude. Il a les cheveux noirs et bouclés, le genre de chevelure qui vous donne envie d’y fourrer la main. Des yeux bleus en forme d’amande, si perçants et doux à la fois qu’ils suffisent à vous désarmer en un instant. Et, c’est son visage. Si pouvoir le contempler me console un peu, cela suffit à faire ressurgir le lot de sentiments dérangeants qui est le mien à présent.

    Je songe à tous ceux qui dansent à quelques pas de moi, si proches et si loin à la fois. Je pourrais les rejoindre. Danser avec eux. Ne plus être vraiment la même personne, la même Alice. Etre quelqu’un d’autre, n’importe qui, juste le temps de danser une seconde, sentir mon corps onduler sous les regards approbateurs et gourmands des garçons, sentir la chaleur envahir mes muscles, ma peau prendre une couleur étrange sous l’éclairage de la discothèque. Mes yeux se posent sur Chloé, qui roule des hanches auprès d’un jeune homme bien trop vieux pour elle. Elle ferme les yeux et continue de bouger, et je remarque qu’il suffirait de remonter un tout petit peu plus sa robe pour voir sa culotte. Etre quelqu’un comme Chloé. Comme cela devait être fantastique! Ne pas se soucier des autres, ne devoir de comptes à personne, juste se débrouiller pour voir arriver le lendemain, rendre les parents satisfaits de leur fille, passer son bac sans mention, de justesse. Flirter avec des tas de garçons inconnus, trop vieux, laids et inintéressant, juste pour se sentir attirante et irrésistible.

    Chloé est capable de faire tout cela. Mais pas moi. Pourquoi ?

    Mon amie se rend compte que je l’observe, me fait signe de la rejoindre, mais je replonge mon front contre mon bras. Se contenter d’exister. Ce n’est pas très difficile. Expirer, inspirer. Inspirer.

    Chloé va encore dire que je ne suis qu’une vieille fille coincée et impotente, mais tant pis. Elle désespère à chaque fin de ses relations sentimentales, soit disant parce qu’elle n’a pas trouvé l’homme idéal, mais moi je sais. Chloé ne pense qu’au sexe et aux bons moments. Elle croit un jour sur deux au bonheur sans tache, au monde en rose et bleu, et le jour suivant, elle déclare que la vie est une merde. Chloé est une jeune-fille qui ne pense pas une seconde que le bonheur puisse être accompagné de son lot de problèmes. L’amour et la jalousie, l’amour et la colère, l’amour et la guerre. C’est pourtant simple. Presque tous les grands romans l’expliquent. Roméo et Juliette. Autant en Emporte le Vent. Les Hauts de Hurlevent. Sans compter les milliers de couples qui se sont croisés, ont pris le temps de parler, se sont aimé, se sont disputé, se sont réconcilié, se sont fâché, ont divorcé.

    Un gémissement monte de ma gorge et j’imagine la fille en mini-jupe qui sirote sa vodka à côté de moi sursauter et se reculer, comme si j’étais contagieuse.

    Dites, la tristesse, la terreur, c’est contagieux ? Y-a-t-il un mode d’emploi pour apprendre à se défendre convenablement ?

    Trop de questions se bousculent, me font mal à la tête. Je me demande ce que ça doit faire, d’être lui. D’avoir mal constamment. D’avoir peur et d’avoir mal, d’aimer en même temps. De savoir la mort proche, la guetter, de croire aux signes malgré lui, d’en voir partout. De parler aux oiseaux qui se perchent de l’autre côté de la fenêtre de sa chambre. De passer des heures à contempler les nuages. De penser à tout, à tout, sauf à ça. A ça.

    Qu’est-ce-que ça fait, d’avoir dix-sept ans ?

    Rien. Ca fait mal, c’est tout.

     

    *                                                                                         *                                                                                       *

     

     

     

    Le vent agite les branches du saule. On dirait un ballet de danse. Un parfum sucré flotte dans l’air, j’inspire une grande goulée.

    Comme le ciel est bleu! Comme il semble si irréel, en cette fin d’ère glaciale! J’ai toujours apprécié le printemps. On dirait que la nature se fait belle exprès pour nous, on la découvre toute neuve après son hibernation. Un renouveau.

    Mes converses crissent sur les graviers. Le bruit est désagréable. Des pas secs sur le dallage du perron, le toc-toc de mes doigts frappant à la porte. Les mêmes sons, tous les jours, au même moment de la journée.

    Une femme d’une quarantaine d’années vient m’ouvrir, l’air fatiguée. Elle a une fine chevelure jaune pâle, des yeux bleus si clairs qu’on les dirait liquides. Comme le ciel du printemps. Sa bouche trop petite sourit quand elle m’aperçoit.

    Je l’appelle par son prénom, Rosa, un nom trop coloré pour une figure si blanche. Elle fait non de la tête, légèrement abattue, et je comprends que rien n’a changé depuis ma dernière visite, que tout est resté suspendu dès que j’ai posé le pied hors de la maison.

    Comme un fantôme, je parcoure le couloir à moitié plongé dans l’obscurité, une noirceur étouffante, oppressante, et j’entends les pas feutrés de Rosa qui s’éloignent.

    La maison est trop silencieuse. On dirait qu’elle est morte.

    Je m’arrête juste devant la porte de sa chambre, et écoute l’absence de bruit. Ma respiration parait immensément bruyante, cela me fait un peu peur. Je lève le poignet, hésite une seconde, puis entre sans frapper.

    Sa chambre est, au contraire du couloir, illuminée par la lueur du soleil clair qui se déverse à flot par la fenêtre aux battants ouverts. Les murs sont nus, blancs, mais une toile représentant un ciel, avec plusieurs nuages blancs et cotonneux est tendue au plafond. On peut presque imaginer les nuages qui bougent en cercle, sentir la caresse de l’air en mouvement sur notre peau.

    Une pile de livres est posée en bazar sur le bureau, des vêtements trainent un peu partout, sur la chaise, dessous le lit, par terre et dans les coins. Je ramasse nonchalamment une paire de chaussettes qui traine à mes pieds, les ramasses en boule et la dépose au passage sur le lit défait. Mes mains replacent les oreillers, les draps, et j’aime la sensation de douceur sous mes doigts. Puis, je lève la tête et le regarde.

    Il est assoupi sur le rocking-chair posté devant la fenêtre. Sa tête penche sur le côté et sa bouche est entre-ouverte. J’ai un petit sourire en remarquant le paquet cadeau qui est à côté de lui, par terre. Je me demande s’il l’a tenu dans sa main jusqu’à ce qu’il s’endorme, avant que le présent ne glisse sur le parquet au moment où la pression dans sa main s’était relâchée. Je me demande s’il m’attendait.

    Je m’approche lentement, comme si j’avais peur de faire une fausse manœuvre, mais c’est idiot de penser ça, tout a toujours été si naturel entre nous. Toujours simple. Mon regard se promène sur son visage, enrobe ses paupières couleur lavande, caresse ses os saillants et son nez droit. Sa bouche fine et ses cheveux bouclés et bruns.

    Je pose ma main droite sur son torse, à l’emplacement du cœur. Je le sens battre doucement sous ma paume, cela me fait un bien fou. Je ressens le besoin de le toucher encore plus, je voudrais que mes lèvres effleurent sa joue. Mais je ne peux pas. Il me l’a interdit.

    Ses paupières papillonnent un instant avant qu’il n’ouvre les yeux. Il croise mon regard, sourit, et ferme à nouveau les yeux après avoir saisi ma main et murmuré « tu es là ». Oui, je suis là, ais-je envie de lui répondre, comme tous les après-midi, de quatorze-heure trente à sept-heures moins le quart. J’ai appris à rester plus tard le soir depuis qu’il a arrêté de se battre contre sa maladie et que ses cheveux on repoussé. Je frémis et me dépêche de penser à autre chose.

    Oui, je suis là. Comme d’habitude.

    J’ai une crampe dans les genoux, je m’assois en tailleur par terre. Il entend le frottement de mon pantalon sur les lattes, il me dit que je vais être couverte de poussière, qu’il a interdit à sa mère d’entrer dans sa chambre pour passer l’aspirateur.

    « - Pourquoi ? »

    Je ne lui demande pas pourquoi. J’ai appris à ne pas poser de questions inutiles. Il est malade. Pourquoi a-t-il refusé que sa mère entre dans sa chambre ? Parce-que. Il est malade. C’est suffisamment explicite pour servir de raison, non ? Il est malade. Il va mourir. Cela lui donne le droit à quelques caprices. Pour rattraper ceux des années qu’il ne pourra pas voir passer.

    Nous regardons par la fenêtre. Il y a un oiseau qui est posé sur une branche du saule. Nous l’observons avant qu’il ne s’envole. Il me dit qu’il aimerait bien être un oiseau, pour quitter cette vie ratée et voler, voler loin, jusqu’au bout du monde, pour en trouver une autre, mieux.

    Je voudrais pouvoir lui recommander une agence qui propose des abonnements pour se transformer en oiseau. Vous souhaitez changer de vie ? Pas de problème, monsieur, voici un contrat qui vous permettra de réaliser vos rêves les plus fous. Signez ici. Ah, madame, je vois que vous êtes atteinte d’un cancer du sein, aucun soucis, nous pouvons régler ce genre d’inconvénient grâce à notre formule tout-en-un, il vous suffit pour cela de signer au bas de la page…mais les agences de ce genre n’existent pas. Pas encore. Il faudrait que le descendant d’Albert Einstein soit découvert officiellement et en invente quelques unes.

    Il a toujours voulu être un oiseau. Toujours. Et il m’en parle à chaque fois que nous nous retrouvons tous les deux, sans personne pour se moquer de nos rêves. Parce-que les rêves, sont fait pour rester discrets, pas trop exubérant, discrets. Rester cachés.

    D’autres volatiles sont postés au garde à vous sur les fils électriques. Ce sont des pigeons. Les pigeons ne font pas partie de sa liste. Sur sa liste, il n’y a que les plus beaux. Les rouge-gorge. Les rossignols. Les mésanges, les toucans et les flamands-rose. Les hérons. Les aras. Les paons. Les pigeons gris ne font pas partie de la liste.

    «-  Tu sais quoi ? J’aimerais me réincarner en un oiseau. Je viendrais te rendre visite, parfois, je te regarderais vieillir. Devenir toute fripée. »

    J’ai envie de pleurer. Pour empêcher les larmes de couler, je lui demande quel oiseau il voudrait être. Il me dit qu’il ne sait pas, il me demande, à moi, à quel oiseau il ressemble le plus. Je plonge dans ses yeux bleus pâles, les mêmes que ceux de Rosa. Aucun animal au monde n’aura jamais des yeux comme ceux-là.

    «-  Je ne sais pas.

    - Un corbeau ?

    -  Oh, non! Avec un plumage clair, plutôt.

    -  Un corbeau albinos ?

    -  Pourquoi forcément un corbeau ? »

    Il hausse les épaules. Il ne sait pas. Sa voix est bizarre. Comme s’il n’avait pas parlé depuis plusieurs jours. C’est peut-être vrai. Nous ne parlons pas beaucoup. Très rarement.

    «  A quoi je te fais penser ? »

    Je réfléchi quelques secondes, et il respecte mon silence. Il supporte toujours les absences de discussion, je crois qu’il aime le silence, plus que la parole. Oui, c’est même sûr. Le seul son qu’il aime vraiment, ce sont les chants des oiseaux qu’il écoute à sa fenêtre. Il a beau dire que ma voix est tout aussi mélodieuse, et qu’il aime l’entendre, je sais que c’est faux. Il aime les oiseaux. Plus qu’il ne m’aime moi.

    Je sais que la réponse qu’il aimerait entendre est « à un oiseau ». Mais ce serait un mensonge. Il est loin d’être aussi fragile qu’un oiseau, même s’il s’est encore affaibli, même s’il est bien trop maigre, même s’il parait tel qu’il est.

    «- A un prince. »

    Et c’est vrai. Il ressemble au Petit Prince, hormis les cheveux bruns. Mais il a le même air enfantin, celui qui lui donne deux ans de moins que son âge.

    Il fronce les sourcils, se demandant surement si cette réponse lui convient ou non. Il finit par soupirer, sans aucune raison apparente, et me demande de but en blanc comment s’est passée ma fête d’anniversaire d’hier soir.

    « -  C’était horrible.

    -  Pourquoi ?

    Lui a le droit de demander pourquoi. Il a tous les droits.

    -  Chloé était horrible, je corrige.

    -  Tu as dansé ?

    -  Non.

    - Tu t’es amusée ?

    -  Non. Et puis j’ajoute: j’avais trop peur.

    Il serre ma main distraitement. Un peu trop fort. Je sens les os de ses phalanges comme si elles n’étaient pas recouvertes de peau.

    -  Quand je serais mort, tu vivras mieux, tu verras.

    -  Ne dit pas ça.

    -  Tu verras. »

     

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  • (Voici une nouvelle que j'ai écrite un peu à l'arrache >.<' je ne suis pas à l'aise sur les petits formats, je préfère les romans. donc il est possible que ce soit pourri xD )

     

    Elle était apparue à l’angle du vieux bâtiment. Sa démarche était telle que je l’avais décidée.

    Elle volait.

    Ses cheveux de lin flottaient dans son dos, comme la voile d’un bateau. Se laissant porter par le vent.

    Mais au contraire, elle fendait la foule d’un pas décidé, lançant loin ses pieds en avant, allant droit au but.

    Je la regardais, de l’autre côté de la rue, ne parvenant pas à détacher mon regard de cette personne, cette femme que je ne connaissais pas et de qui pourtant je savais tout. J’aurai pu nommer chacun de ses grains de beauté. Donner le nombre exact de ses cheveux, décrire sans me planter l’iris de ses yeux.

    Elle s’arrêta au feu, attendant que le petit bonhomme passe au vert. Des tas de gens se pressaient autour d’elle, voulant à tout prix traverser, vite, vite, ne pas être en retard, ne pas me faire virer. Mais…

    On aurait dit qu’elle s’en fichait. Elle vivait sa vie avec un tel détachement des choses…

    J’avalais ma salive avec difficulté tandis qu’elle rejetait ses cheveux en arrière. Elle intercepta mon regard, leva les yeux au ciel, paru grommeler quelque-chose à une jeune-femme qui se tenait à ses côtés.

    Attendre de pouvoir traverser fut un calvaire. Je ne pouvais détacher mes yeux de cette fille, pas parce qu’elle était belle, elle était même plutôt banale, du fait que sa seule grâce étaient ses yeux, ses mains et sa légèreté d’esprit, sa facilité à sauter d’un sujet à un autre, comme si rien ne la retenait au sol. Sans entraves…

    Non, j’étais captivé car je l’avais créée. Son visage, c’était moi. Sa voix, c’était moi qui la lui avait donné. Son physique, son sens de la repartie, son amour pour l’ironie et l’humour noir. Ce détachement, cette insouciance, c’était grâce à moi, tout ça. C’était moi qui lui avait donné la vie, un soir, devant mon ordinateur, les doigts fébriles. Je me rappelais même du filet de sueur qui me coulait dans le dos. C’était un soir d’été humide et chaud. J’avais fermé les volets et bu des litres et des litres d’eau glacée pour ne pas mourir déshydraté.

    Et elle était née ce soir là.

    La voir en vrai me tétanisait. Ce ne pouvait être elle! Elle n’était qu’un personnage de fiction. Mon idéal féminin, mon double, peut-être, dans un corps de femme,  mais certainement pas réelle, puisque je l’avais inventée de toute pièce. Et pourtant elle était là. De l’autre côté de cette rue, attendant comme moi de pouvoir traverser. Je sentais qu’elle s’agaçait de me voir ainsi la contempler sans vergogne, mais je ne pouvais pas m’en empêcher. C’était tellement insensé.

    Enfin, le feu passa au rouge, les voitures s’arrêtèrent devant le passage piéton, et ceux d’en face s’élancèrent sur la chaussée. Elle marchait d’un pas vif et, comme je ne la quittais toujours pas des yeux, elle remorqua son amie jusqu’à moi. Je n’avais pas bougé du trottoir.

    « - Tu veux ma photo ? »

    Son ton était tranchant, et elle arborait une expression dédaigneuse. Probablement pensait-t-elle que je n’étais pas assez bien pour qu‘elle prenne la peine de m‘adresser la parole. Elle avait sans doute raison.

    Je me contentai de secouer la tête, la gorge nouée. Elle eut une moue dégoutée et tourna les talons.

    Au moment où elle allait disparaître de ma vue en tournant au coin de la rue et, pris d’une soudaine intuition, je me lançais à sa poursuite.

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  • Et encore un ch'ti portrait de rien du tout.

    Cheveux foirés, j'aime juste son regard mélancolique. Comme je n'arrivais pas à faire son nez et sa bouche dans les règles de l'art, j'ai triché (OUI! JE L'ADMET! Même pas peur ) d'où le foulard lui couvrant la moitié du visage.

     

    Grabouillages artistiques: portraits



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  • Le voila, vous l'attendiez tous, voici (enfin!) mon portrait préféré. Enfin un de mes deux-trois préférés.

    Je vais faire ma fière (moi qui suis d'une modestie incomparable d'ordinaire, j'ai bien le droit de temps de me la jouer un peu! non mais OH!) un bon coup et puis on n'en parle plus.

     Haerith, pourquoi Haerith...parce-que ce dessin a été réalisé à partir d'un portrait d'Aerith, un personnage de FF Advent Children. Et puis j'ai trouvé que ça faisait plus joli avec un H devant. Donc voila.

     Evidemment, j'ai changé quelques trucs dans ma version (notamment les yeux, les moustaches, quelques trucs dans les cheveux...en fait je n'ai gardé QUE l'expression et la position du visage.) pour ne pas trop plagier, et puis je trouve ça plus intéressant, moi... généralement je prends juste quelques détails sur l'original et je fais ma sauce moi-même ensuite. Plus créatif. Bien sur recopier trait pour trait permet d'affirmer le coup de crayon et de progresser, c'est pour ça que je me force un peu à le faire de temps en temps... mais pas trop :3

     

    Grabouillages artistiques: chevaux



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