• Limbre (Partie 7)

    Le test dont Jared m’avait parlé arriva sans prévenir, et pas sous la forme à laquelle je m’attendais.

    Lou revint en fin d’un après-midi pluvieux, l’air préoccupée, accompagnée d’une minuscule fille japonaise. Elle avait un visage petit et en forme de coeur, ainsi que de grands et perçants yeux sombres en amandes, le tout encadré de cheveux noirs coupés en carré avec une frange qui masquait ses sourcils.

    Jared fit les présentations tandis que Lou suspendait sa veste au mur.

    - Voici Sachiko. Elle fait partie de la Tribu. C’est elle qui est chargée de te tester avant que tu ne t’entretiennes avec les Anciens.

    J’avais attendu que la dénommé Sachiko s’écarte pour aller boire dans la cuisine avec Lou pour demander:

    - Mais… vous ne pensez pas que ce serait mieux de choisir quelqu’un de plus… qualifié ?

    Jared fronça les sourcils.

    - Lou et moi connaissons Sachiko depuis plus de dix ans. Nous avons confiance en elle, et…

    - Non, je parlais de… de l’âge. Elle n’a pas l’air d’être plus vieille que moi.

    Cette fois, il leva les sourcils si haut qu’ils disparurent sous ses mèches de cheveux rebelles.

    - Mais Sachiko a seulement trois ans de moins que moi! Elle a l’âge de Lou, c’est-à dire vingt-deux ans.

    Ma surprise dû se lire sur mon visage car Jared partit d’un grand éclat de rire avant de m’attraper par les épaules, et de me conduire dans la cuisine, toujours en rigolant.

    - Sachiko! La gamine pensait que t’étais une ado!

    Et il ne put plus parler tellement il riait.

    Lou eut un gloussement et masqua son sourire derrière sa main, tandis que je rivais mon regard à celui de Sachiko, vaguement inquiète.

    Si elle semblait être l’opposé de Lou -brune, petite, avec un air froid et distant (Lou était en fait plutôt sympa une fois qu’on avait brisé la glace), elle me faisait un peu peur. Même beaucoup, en fait. Elle paraissait mille fois plus dangereuse que Jared et Lou réunis. Surtout que je venais de remarquer le manche d’un poignard dépassant de sa ceinture. Heu, c’était pas un regard meurtrier, ça ?!

    Mais un coin de sa minuscule bouche remonta en un sourire et ses yeux se plissèrent tandis qu’elle répondait:

    - Beaucoup de gens se trompent. Les asiatiques ne sont pas réputés pour leur grande taille.

    J’allais enfin me détendre, quand Jared se cru forcé d’ajouter, l’air de rien:

    - En revanche, ils sont super doués en sports de combat. Tu es ceinture noire de judo, karaté, jujitsu, c’est bien ça, Sachiko ?

    L’intéressée hocha la tête, et mon stress remonta d’un coup.

    - J’ai aussi un certain niveau dans différents genres de boxes.

    - Et en escrime, ajouta Lou avec une certaine fierté.

    Après le diner, ils s’entretinrent tous les trois dans la cuisine et me mirent gentiment à la porte. J’attendis trois bonnes heures, affalée sur le canapé, à regarder une émission de TV sans la voir vraiment.

    Jared avait bien précisé que Sachiko devrait me faire passer le test. Mais il avait aussi avoué que, tant que je ne saurais pas nager, mon avancée dans la Tribu serait stoppée. Une vague d’angoisse m’étreignit le coeur: et si Sachiko me jetait dans la rivière ? Si ça se trouve, ils étaient en ce moment même en train de choisir la technique la plus rapide pour me jeter à l’eau. Oh, mon Dieu.

    Je dû résister à la tentation -horrible tentation- d’aller écouter à la porte. Mais je savais pertinemment qu’ils sauraient capter ma présence avant que j’ai pu comprendre quoique-ce-soit.

    Sachiko sortit enfin de la cuisine, accompagnée de Jared. Celui-ci m’attrapa par les épaules et me regarda fixement, lisant mes doutes et mes inquiétudes sur mon visage.

    - Tu en es capable.

    - Elle va me faire quoi ? Glapissais-je entre mes dents pour qu’elle n’entende pas.

    - Rien du tout! Répondit-il en riant et en me tournant vers Sachiko. Amusez-vous bien, toutes les deux!

    La petite femme japonaise n’eut pas un seul sourire. Elle m’emmena dans la rue, et m’ordonna de monter à l’arrière de la moto de Lou, avant de démarrer en trombe.

    J’avais une désagréable impression de déjà vu.

    Bien qu’ignorant où et comment se test devait se dérouler, ni même en quoi il consistait, j’espérais juste que ce ne serait pas à proximité d’un point d’eau.

    Lorsque la moto s’engagea dans le petit chemin de terre qui menait à la forêt, je crus que j’allais défaillir. C’était le même coin où Jared m’avait emmenée hier, en espérant me jeter à la flotte.

    Mais, à mon grand soulagement, quand nous fûmes descendues du véhicule, Sachiko me mena à l’opposé de là où coulait la rivière. Elle finit par s’asseoir en tailleurs au centre de ce qui était une petite clairière, que la lune éclairait de sa pâleur scintillante.

    Il n’y avait pas d’autre bruit que le bruissement des feuilles des arbres, et le hululement d’une chouette en chasse.

    - Assied-toi, fit Sachiko après un long silence méditatif.

    Je m’installai maladroitement, inquiète de ce qui allait suivre. Bon, pas d’eau. C’était déjà ça. Et je la voyais mal m’asperger avec les gouttelettes de bruine qui tombaient des branches.

    - Le moment de passer le test est venu, commença-t-elle. Je vais te poser des questions, auxquelles tu devras répondre avec honnêteté. Inutile d’essayer de mentir, ou de me cacher la vérité. Es-tu prête ?

    Je décidai que oui, et hochai la tête avec méfiance.

    - Bien.

    Sachiko posa ses mains à plats sur ses cuisses, paumes vers le haut, et inspira profondément.

    - Pour quelles raisons t’es-tu engagée dans la Tribu ?

    Ca commençait fort! Je ne pouvais tout de même pas lui répondre: « pour venger mon frère, et le sauver de la prison. C’est lui qui a été accusé de tentative de meurtre sur la Reine, vous vous souvenez ? », si ?

    Mais la jeune femme me fixait avec froideur, et je me dis que je n’avais pas tellement envie de lui mentir, ou de lui cacher la vérité, comme elle disait. Il me serait difficile de venir en aide à Paul avec les mains coupées, ou une oreille en moins. Ou l’estomac répandu à l’air.

    - Je veux venir en aide à quelqu’un de ma famille.

    Sachiko n’eut aucun signe qui aurait pu indiquer ce qu’elle pensait.

    - Tu sais pourtant que pour entrer dans la Tribu, il faut porter le statut d’orphelin. Que tu n’as même pas. Donc, t’engager pour aider un membre de ta famille, voila qui est paradoxal.

    - J’ai décidé d’innover.

    Trop tard, c’était sorti, je ne pus que me mordre la langue en me traitant intérieurement d’idiote. Sachiko haussa un sourcil:

    - Novatrice et impertinente.

    Lou m’avait dit exactement la même chose…

    Sachiko paru écarter le sujet et poursuivit:

    - Comment penses-tu que la Tribu puisse venir en aide à ton frère ? Que crois-tu que ça va t’apporter ?

    Je n’étais pas outre mesure surprise qu’elle sache qu’il s’agissait de Paul. C’était le genre de personne à lire carrément dans vos pensées. Quitte à passer pour une idiote écervelée, autant être honnête.

    - Franchement, j’en sais trop rien, répondis-je évasivement en haussant une épaule.

    J’imagine que Jared a du me faire une plutôt bonne impression, pour que ça me donne envie de m’engager sur un coup de tête. Ou alors…ou alors j’étais tellement paniquée à l’idée que mon frère pourrisse en prison que j’ai sauté sur la première porte de sortie proposée.

    Je me fis la réflexion que Jared aurait tout aussi bien pu être un dealer ou un proxénète, j’aurais probablement agi de la même façon s’il avait gardé cette étincelle bienveillante, qui n’inspirait qu’à la confiance.

    Un silence circonspect s’installa, tandis que Sachiko me fixait, un sourcil légèrement arqué. Oh, mon Dieu. Elle devait penser que j’étais folle. D’avance résignée à avoir raté mon test, je poussai un soupir en remontant mes genoux contre ma poitrine.

    J’avais froid.

    - Mmh…je vois, fit mon examinatrice au bout d’un long moment, l’air plus que dubitative.

    J’avais la désagréable impression d’avoir répondu ‘un foyer agréable’ à la question

    ‘qui était Bonaparte ?’ Oh, mon Dieu. Qui étais-je pour avoir pu imaginer ne serait-ce qu’une seconde que je pourrais venir en aide à Paul ? J’étais tellement bête que je ne saurais même pas lui apporter son plateau repas.

    - Mmh. Et si on allait courir un peu ?

    J’acquiesçai mollement, déjà persuadée de me planter à cette étape là aussi.

    Et bien en fait, non. Sachiko avait adopté une foulée régulière et courte, mais elle avançait vite pour sa petite taille. Il ne m’avait pas été difficile de caler mon allure sur la sienne.

    La jeune femme avançait en esquivant les arbres avec une grâce que je n’avais, de toute évidence, pas la chance de posséder. Néanmoins, j’interceptai un regard approbateur de Sachiko, et sentis mon espoir renaître. Du moment qu’elle ne me demandait pas de nager, j’avais peut-être encore une chance de m’en tirer.

    S’ensuivit une épreuve d’escalade.

    Sachiko s’était allègrement perchée en haut d’un immense pin, là où les branches sont trop fines et fragiles pour supporter le poids d’un homme. Négligemment appuyée contre le tronc, elle m’avait enjointe de la rejoindre.

    Enthousiaste -j’aimais grimper-, j’avais débuté mon escalade sans faire attention au chemin à emprunter. Tout allait bien et pour le meilleur des mondes. Parfait.

    A environ mi-chemin, je tendis ma jambe et le bras pour attraper la nouvelle prise.

    Ma main ne rencontra que du vide.

    Subitement moins distraite, je redressai la tête. Horreur. La branche la plus proche de là où je me trouvais était à un bon mètre au-dessus de ma tête.

    Je me dressai sur la pointe des pieds, mais rien à faire. Même tendue de tout mon long, je ne parvenais pas à atteindre la branche suivante. Rajustant ma prise et crochetant le tronc, je me mordis la lèvre. Je n’avais pas trente-six mille solutions.

    Soit j’avouais m’être trompée, et redescendais pour reprendre mon ascension par un autre chemin, soit je restais plantée là en attendant qu’une seconde branche, plus proche, pousse inopinément pendant la nuit.

    Bon. De toute évidence, et à en juger le regard qu’elle me lançait, Sachiko n’avait pa l’intention d’attendre toute la nuit.

    Tout en me traitant silencieusement de tous les noms, je redescendis et entrepris de faire le tour de l’arbre, essayant de distinguer le tracé le plus sur. Il était difficile de discerner les branches à travers le rideau d’aiguilles, et ce fut presque au hasard -et complètement désarmée- que je finis par reprendre ma grimpette.

    Heureusement pour moi, celle-ci fut la bonne. Et sentir les brindilles, étonnamment nombreuses, me cingler le visage, fut pour un moi un soulagement. Pas de brindille sans branche. Pas de branche, pas de brindille. Pas de…

    Je redoublai de précautions en atteignant le point le plus élevé du pin. Heu. Je ferais mieux d’éviter de regarder en bas.

    Sachiko croisait les bras, toujours impassible. Je me raccrochai au tronc en sentant la branche sur laquelle j’étais debout tanguer dangereusement. Ce n’était pas que j’étais lourde, mais nos poids combinés, à Sachiko et à moi, étaient probablement suffisants pour faire céder cette fichue branche. Et nous faire dégringoler jusqu’en bas. Tout, tout en bas. Loin. Très loin.

    Pour arranger le tout, j’avais oublié que le vent soufflait généralement plus fort en haut des arbres. La cime entière du pin était bringuebalée de tous les côtés, ce qui donnait la sensation d’être sur un bateau en pleine tempête. Un bateau à quinze mètre du sol.

    - Jared m’a dit que tu n’étais pas prête à passer l’épreuve de natation, fit Sachiko sur le ton de la conversation, comme si se retrouver en haut d’un arbre perchée lui arrivait tous les jours. Bon sang. Peut-être que c’était le cas!

    - Je me doute que tu dois savoir que ça te pénalise énormément.

    Elle marqua une pause, comme pour me laisser le temps de m’imprégner de cette vérité effrayante.

    - On laisse toujours la possibilité aux Aspirants de gagner des points supplémentaires en prouvant un autre aspect de leurs capacités. Alors ? Que sais-tu faire d’autre ?

    Je fronçai les sourcils. Ce que je savais faire d’autre ? Je ne savais même pas marcher sur les mains. Je voyais mal ce que je pouvais faire d’intéressant, en tout cas pour un membre de la Tribu. Désarmée, je finis par hausser les épaules:

    - Rien qui puisse en valoir la peine.

    - Il ne s’agit pas uniquement de capacités physiques, mais également intellectuelles.

    Heu. Je ne voyais pas non plus ce qui aurait pu l’intéresser de ce côté-là.

    - Sais-tu parler plusieurs langues ?

    - Français et une base d’anglais -mais une base solide depuis que j’étais à Londres.

    - Espagnol, allemand, latin ? Vous devez bien apprendre une seconde langue, à l’école, non ?

    Je sentis mes joues s’embraser, et me reprochai intérieurement de ne pas avoir prêté plus d’attentions aux cours de mon prof d’espagnol.

    - Es-tu particulièrement douée pour quelque-chose ? N’importe quoi, même la peinture, ou le lavage de voiture ? Le brossage de dents ?

    Là, elle se foutait ouvertement de ma gueule. Piquée au vif, je répliquai:

    - Je suis trop balèze au lancé de fléchettes.

    Le visage de Sachiko perdit un peu de son amertume. Il est vrai que perdre son temps à tester une incapable n’était pas une idée très réjouissante.

    - Parfait. Tu vas apprendre à remplacer les fléchettes par des dagues empoisonnées. »

     

    La fumée du bar s’était comme évanouie dans l’espace, ainsi que la musique du poste de radio grésillant. Accoudés au comptoir, Lou et Jared semblaient en grande conversation avec Barry, le barman. Celui-ci avait ôté son tablier crasseux et peigné ses cheveux, si bien que j’avais du mal à le reconnaitre. On aurait dit un agent de la CIA. Comme pour terminer sa métamorphose, l’homme -à présent rasé de près- n’essuyait plus de vaisselle mais feuilletait un classeur. En nous voyant entrer,

    Sachiko et moi, il cessa de parler et me fixa d’un regard vif que je ne lui connaissais pas. Lou suivit son regard, se leva et vint me claquer une grande tape dans le dos.

    « - Alors ma grande ? Rien de cassé ? Je savais que tu allais foirer. Pas trop  déçue ? On a déjà réservé des places pour le billet d’avion.

    Jared leva les yeux au ciel et échangea un regard interrogateur avec Sachiko.

    Celle-ci ne trahit aucune émotion mais, comme s’il était tout de même parvenu à tirer quelque-chose de son expression indéchiffrable et renfrognée, il détourna le regard.

    Avec un air étrangement satisfait qui me rendit espoir quant à mon résultat.

    - Connexion dans dix secondes, fit Barry en articulant bien.

    Sur le coup, je restai perchée sur mon tabouret sans comprendre. Puis, je remarquai l’énorme écran plat, incrusté dans le mur, à l’intérieur du placard à liqueurs. Et les multitudes de boutons, et d’autres trucs, côté intérieur des portes du placard en question. Et la caméra, installée au-dessus de l’écran.

    - Quelle connexion ? Fis-je bêtement alors que je me rappelais que Jared avait parlé d’un quelconque entretien avec les Anciens.

    - Les Vieux vont te poser des questions parfaitement idiotes et te faire perdre un temps précieux, répondit Lou au moment où Barry annonçait « connexion établie! ». Ils sont parfaitement imbuvables, dans le genre vieux croulants sexagénaires aigris par le temps. Et gâteux.

    Une salle circulaire apparut à l’écran. Il y avait une gigantesque table ronde au centre de la pièce, et tout un tas d’homme et de femmes d’un certain âge assis. Ils étaient vêtus de longues tuniques et arboraient une mine austère, ainsi qu’une expression trahissant la haute estime qu’ils avaient d’eux-mêmes.

    - Nous avons entendu, fit un vieil homme, plutôt laconiquement. Je vois que vous vous portez toujours aussi bien, Numéro 121. Toujours aussi irrespectueuse, en tout cas.

    - Merci du compliment, répondit Lou en s’inclinant légèrement, une moue ironique inscrite sur le visage.

    A l’écran, une femme au visage un peu plus venimeux que celui de ses collègues se pencha en avant et fit, avec un sourire persifleur:

    - Alors, Jared. Comment avance la mission dont vous êtes chargé ?

    Mon regard glissa jusqu’à l’intéressé. Il se tenait droit, et sa mâchoire était légèrement crispée. Je n’étais pas réellement censée être au courant de leur mission, à Lou et à lui.

    Mais j’avais dans l’idée que celle-ci ne progressait pas des masses.

    - J’ai jugé plus utile de laisser la mission en suspend, Ancienne et Vénérée Margra.

    La dénommée Margra pencha encore un peu plus son corps décharné en avant, tandis que les autres Anciens échangeaient des messes basses, l’air de trouver ceci parfaitement scandaleux.

    - Peut-on savoir pourquoi ?

    Jared pencha la tête en avant, et me fit signe d’avancer. Ce que je fis, non sans appréhension.

    - Voici Garance. J’en ai fait mon élève. Elle vient de terminer sa période d’essai, et il est temps pour elle de devenir une Apprentie.

    Un vieil homme plutôt bien portant plissa ses petits yeux porcins:

    - Approche, petite.

    Aussitôt, les Anciens se récrièrent: « Mais ce n’est pas une enfant! », « Elle est bien trop âgée! », « C’est parfaitement idiot! ».

    L’homme qui m’avait demandé d’approcher eut un geste de la main, et les bavardages horrifiés cessèrent.

    - Quel âge as-tu ?

    - Seize ans.

    - Mon nom est Hector.

    - Seize ans, Hector.

    J’entendis des ricanements provenant de l’assemblée tandis que Hector rectifiait encore:

    - Ancien et Vénéré Hector.

    - Seize ans, Ancien et Vénéré Hector, lâchai-je, vaguement agacée.

    Je croisai le regard rieur de Lou, qui semblait vouloir clamer « Qu’est-ce-que je t’avais dit ?! ».

    L’image se brouilla un instant à l’écran, avant de se stabiliser.

    - …tu été testée ?

    - Excusez-moi ? Monsieur, ajoutai-je aussitôt sans réfléchir, et avant de me mordre la joue.

    - Je disais: par qui as-tu été testée ?

    - Par Sachiko, Mon…Ancien et Vénéré Hector.

    L’homme obèse se recula dans son fauteuil, et marmonna quelque-chose à son voisin, en faisant remuer ses énormes bajoues tremblotantes.

    - Ah, répondit-il enfin. Numéro 453 est-elle ici ?

    Sachiko entra dans le champ de vision de la caméra, et pencha légèrement la tête, comme l’avait fait Jared auparavant.

    - Anciens et Vénérés, fit-elle de sa voix grave.

    - Numéro 453, fit Hector en retour avec un bref hochement de tête. Comment s’est déroulé le test ?

    - Bien, dans l’ensemble, répondit Sachiko sans sourire.

    - Quelle a été l’épreuve physique imposée à l’Aspirante ?

    - La course à pied et l’escalade, Ancien et Vénéré Hector.

    - L’Aspirante a-t-elle été reçue ?

    Je retins ma respiration, angoissée à l’idée que mon obligation à reprendre l’escalade de l’arbre me pénalise.

    - Oui, répondit simplement la jeune femme.

    - Et à l’épreuve du…hum…comment dit-on déjà ? Sens moral ?

    Je lançai un coup d’oeil horrifié à Lou, qui eut une moue résignée. Acceptaient-ils des gens sans sens moral, dans leur Tribu ? Venant d’eux, alors que le but de la Tribu était de venir en aide au plus grand nombre, c’était un peu paradoxal.

    Cette fois, Sachiko eut un léger sourire en me regardant du coin de l’oeil.

    - Reçue aussi.

    - Bien, bien, bien, reprit Hector en crachant à moitié ses poumons.

    Sachiko croisa les mains dans le dos et demanda, l’air de rien:

    - Êtes-vous malade, Ancien et Vénéré Hector ?

    - Juste un vilain rhube. Rhume. Humpf. Numéro 453, y-a-t’il des aspects des capacités de l’Aspirante ici présente que nous devrions savoir ?

    - Et bien, Ancien et Vénéré Hector, je soupçonne l’Aspirante d’avoir un fort potentiel en matière de lancer de couteau. Elle a également des facilités en escalade, même s’il lui faudra apprendre à réfléchir avant d’agir. Par contre, il semblerait qu’elle soit hydrophobe.

    Cette déclaration donna naissance à une nouvelle vague de contrariété parmi les

    Anciens, et cette fois, même Hector semblait quelque-peu décontenancé.

    Il mit un peu plus de temps à faire revenir le silence:

    - Mais enfin, Jared. Je ne vous comprend plus. Pourquoi nous présenter une Aspirante qui ne sait pas nager ?

    - Sachiko n’a pas dit que Garance ne savait pas nager, Ancien et Vénéré Hector, rectifia calmement Jared. Elle souffre effectivement d’une phobie assez…virulente, j’ai moi-même pu l’observer. Cependant, Garance a suffisamment de jambes et de mains pour nager. Je l’aiderai à dépasser cette phobie, quitte à lui greffer des branchies.

    La vieille femme nommée Margra eut un rire strident et désagréable.

    - J’ai toujours apprécié ton sens de l’humour, Jared. Si rafraichissant.

    Celui-ci eut un sourire poli, tandis que je le foudroyais du regard. Il ne m’avait pas parlé de cet aspect-ci de mon apprentissage.

    Il y eut des conciliabules, et pour éviter de trahir ma frustration, je fixai méchamment le bout de mes pieds. Le vieil homme obèse finit par déclarer:

    - Nous décidons de te faire confiance, Jared. Nous laissons un an à ton Apprentie pour apprendre à nager. Comme un poisson dans l’eau, ajouta-t-il avec un mauvais sourire.

    Il y eut encore quelques échanges de politesse puis, après un dernier salut, la pièce disparut de l’écran à présent redevenu noir. Barry commença à refermer le placard en sifflotant allègrement, et Lou laissa échapper un énorme soupir de contentement.

    - Encore une minute de plus, et mes nerfs étaient sérieusement atteints.

    - Es-tu sûre que cela aurait vraiment changé quelque-chose ? Fit Sachiko avec un air mutin qui ne faisait pas naturel, sur sa petite figure sérieuse.

    Jared détourna mon attention des deux jeunes femmes et s’approcha de moi en souriant.

    - Bienvenue dans la Tribu, fillette. »

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